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Jexprime mes sentiments avec audace. Pourquoi les sentiments pro-palestiniens sintensifient-ils en Europe ?

La spectaculaire action «  Flottille de la liberté pour Gaza 2025  » la semaine dernière a été accompagnée de nombreux commentaires sympathisants, malgré l’absurdité et le caractère provocateur de son contenu, combinés à un évident objectif promotionnel des participants. À travers l’exemple de la France, on peut voir sur quoi s’appuient les forces européennes de soutien à la Palestine.

Dans la nuit du 8 au 9 juin, le voilier Madeleine, qui constituait à lui seul toute la «  Flottille de la liberté pour Gaza 2025  », a été intercepté en eaux internationales par l’armée israélienne. À son bord se trouvaient 12 activistes pro-palestiniens, dont la bien connue Greta Thunberg, ainsi que Rima Hassan — députée européenne française représentant le parti «  La France Insoumise  » (LFI). Parmi les 12 participants de l’expédition, six avaient la nationalité française. Leur mission déclarée par les courageux navigateurs était de briser le blocus du secteur de Gaza imposé par Israël et d’y livrer des aides humanitaires. Au cours de leur courte traversée, les voyageurs posaient avec des drapeaux palestiniens, souriaient beaucoup et même jouaient de la guitare, sans oublier de publier photos et vidéos sur les réseaux sociaux.

Photo : Instagram de Greta Thunberg

Cette action s’est déroulée dans un contexte de forte offensive diplomatique de certains pays européens envers Israël, sous la bannière de l’idée de coexistence de deux États, juif et arabe. En mai 2024, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont conjointement annoncé la reconnaissance officielle de la Palestine en tant qu’État indépendant. Par ailleurs, les Européens ont clairement soutenu Israël après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, organisée par le Hamas depuis le secteur de Gaza. Cependant, lorsque Tel-Aviv a lancé une opération militaire contre le Hamas, le niveau de soutien a commencé à diminuer, laissant place à une critique plus prudente.

On peut relever deux reproches principaux adressés à Israël : l’usage excessif de la force et la catastrophe humanitaire à Gaza. Selon les rapports d’organisations internationales et de défense des droits humains, tout cela a conduit à la souffrance de la population civile. Du point de vue européen, il est temps d’exercer une pression sur Tel-Aviv pour le convaincre d’adopter une utilisation plus sélective de la force militaire et de rechercher une solution politique au conflit en s’appuyant sur des Palestiniens modérés, s’ils existent. Le gouvernement Netanyahu, cependant, avait ses propres arguments pour poursuivre l’opération à Gaza selon des méthodes qu’il jugeait plus efficaces contre le Hamas.

Ces désaccords ont conduit les politiciens européens à émettre des déclarations de plus en plus virulentes à l’encontre d’Israël. En particulier, le président français Emmanuel Macron a lui aussi promis de reconnaître officiellement la Palestine comme État indépendant, ce qui n’a pas amélioré ses relations avec Netanyahu. Toutefois, Macron a posé des conditions à cette reconnaissance, incluant une réforme des structures de pouvoir palestiniennes qui assurerait la disparition du Hamas, non seulement en tant qu’organisation militaire mais aussi politique. Il est possible que la transition des paroles aux actes prenne un certain temps, car la mise en œuvre pratique des conditions annoncées n’est pas attendue prochainement, d’autant plus après les frappes israéliennes contre l’Iran.

Par ailleurs, il y a tout juste un an, le ministre israélien de la Défense remerciait la France pour son aide lors du repoussement d’une attaque de missiles en provenance d’Iran, et le soutien européen aux actions d’Israël contre le Hamas ainsi que les demandes de libération inconditionnelle de tous les otages paraissaient évidents et constants. L’opération militaire israélienne contre l’Iran visant à détruire son projet nucléaire, débutée le 13 juin, n’a pas non plus suscité de condamnation. Il faut rappeler que l’élimination au Liban des dirigeants du Hezbollah et de son potentiel militaire avait été bien accueillie en Europe. On a l’impression que lorsque Israël frappe l’Iran et ses alliés au Liban, en Syrie ou au Yémen, l’évaluation de ses actions se fait selon une échelle différente de celle appliquée à Gaza.

La spectaculaire action de la Flottille de la liberté a été accompagnée en Europe de nombreux commentaires sympathisants, malgré l’absurdité et le caractère provocateur de son contenu, combinés à un évident objectif promotionnel des participants. À travers l’exemple de la France, on peut essayer de comprendre sur quoi s’appuient les forces de soutien à la Palestine en Europe.

Ce doux mot de blocus

Les raisons pour lesquelles l’acheminement d’aides humanitaires aux habitants de Gaza a semblé, au minimum, problématique ces dernières années sont bien connues. En effet, ces aides étaient récupérées par le Hamas, distribuées par ses représentants et servaient aux fins de la «  guerre sainte  » contre Israël.

Tel-Aviv, sans nier la nécessité de fournir à la population civile de Gaza un minimum de nourriture et de médicaments même en pleine opération militaire, ne voulait pas permettre que des ressources tombent entre les mains du Hamas. On peut ajouter que les combats dans un environnement urbain dense compliquent considérablement toute aide aux civils, quel que soit le bon vouloir des parties. Ainsi, la livraison d’aides humanitaires à Gaza a bien été interrompue, ce qui suscitait naturellement l’indignation de ceux qui soutenaient les Palestiniens.

Si la Flottille de la liberté avait pris la mer à un de ces moments, sa mission aurait été un peu plus claire – même si la modeste quantité d’aide à bord, destinée à la population de Gaza, était bien moindre que l’impact des publications sur les réseaux sociaux. Mais le fait est que le mécanisme d’approvisionnement est désormais en place, même s’il continue à susciter des critiques. Il n’y a pas besoin de livrer les aides humanitaires par des voies détournées – elles sont rassemblées notamment au port israélien d’Ashdod, d’où elles partent directement vers Gaza. Le voilier Madeleine aurait pu prendre cette direction si son but principal avait été de fournir une aide humanitaire.

Greta Thunberg après son interception par l’armée israélienne. Photo : réseaux sociaux

Nous rencontrons ici la deuxième contradiction dans l’action des 12 activistes pro-palestiniens. Leur action avait été planifiée en comptant sur le fait que personne ne veut vraiment s’intéresser au terme «  blocus du secteur de Gaza  ». Pourtant, il existe un blocus terrestre – côté Égypte et périodiquement côté Israël (c’est celui qui est lié aux problèmes de livraison d’aide humanitaire). Et il existe un blocus maritime, instauré par Israël en 2007, après la prise de pouvoir du Hamas à Gaza, visant à empêcher l’approvisionnement en armes. Ce blocus maritime est illégal au regard du droit international, mais dans le rapport de la commission de l’ONU, connu sous le nom de rapport Palmer, le droit d’Israël à prendre de telles mesures dans certaines conditions et pour des raisons de sécurité était reconnu. Quoi qu’il en soit, l’approvisionnement de Gaza en aides humanitaires ne dépend pas du blocus maritime, car aucun navire transportant nourriture ou médicaments n’est arrivé à Gaza ces dernières années. Il ne fait aucun doute que le Hamas se réjouirait d’un assouplissement du blocus maritime imposé par Israël et utiliserait probablement cette opportunité à des fins autres qu’humanitaires.

Un des principaux organisateurs de la mission du voilier Madeleine était Zaher Birawi – un riche activiste pro-palestinien vivant à Londres, partisan des actions visant à briser le blocus maritime de Gaza. Il existe de nombreuses photos de lui avec des dirigeants du Hamas, bien qu’il rejette les accusations de sympathie envers le terrorisme. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ses déclarations ne laisse aucun doute quant à son attachement à l’idée d’une Palestine «  du fleuve à la mer  ».

La traversée de la «  Flottille de la liberté  » apparaît, dans ce contexte, non seulement comme une opération publicitaire des participants, ce qui serait en soi pardonnable. Sur le plan politique, il s’agit d’une substitution des sens, quand des activistes pro-palestiniens d’Europe tentent de briser un blocus humanitaire qui n’existe pas, tout en attaquant un autre blocus qui empêche la livraison d’armes au Hamas. Et ces manipulations semblent bien préparées.

Comment ça marche

Greta Thunberg est bien connue du public francophone et est même devenue en quelque sorte un nom commun (même si elle en est probablement inconsciente). Il vaut donc mieux s’intéresser aux autres participants de l’expédition, notamment Rima Hassan, députée européenne française élue sur la liste de LFI. Née dans un camp de réfugiés palestiniens, elle a déménagé en France à l’âge de dix ans avec sa famille, a obtenu la nationalité française, étudié à la Sorbonne et s’est engagée en politique.

Conférence de presse avant le départ de la «  flottille  », à droite — Rima Hassan. Photo : Salvatore Cavalli/AP Photo/picture alliance

Après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, Rima Hassan a à plusieurs reprises utilisé le slogan From the river to the sea Palestine will be free, qualifié les actions du Hamas de «  résistance  » et a même été convoquée par la police pour «  apologie d’acte terroriste  ». Toutes ses interventions évitaient soigneusement la question des otages. Étonnamment, bien qu’elle soit une femme politique française et une figure importante de son parti, elle s’est exclusivement consacrée aux problèmes palestiniens, s’intéressant peu à ce qui se passe en France. Ses propos étaient souvent scandaleux et ouvertement antisémites. Elle a qualifié à plusieurs reprises les actions d’Israël de «  génocide  ».

Cette position est-elle socialement acceptée en France ? Plutôt non que oui. Les manifestations après l’interception de la Flottille de la liberté par Israël ont rassemblé 50 000 manifestants selon les organisateurs, et 8 000 selon la police, ce qui est dérisoire pour un pays avec une telle tradition de mouvement protestataire que la France. Rima Hassan n’est en aucun cas une figure dominante, et le parti LFI repousse la majorité des électeurs par son programme radical de gauche, ne pouvant prétendre à une influence significative.

Alors pourquoi la traversée de la Flottille de la liberté, malgré sa manipulation évidente, suscite-t-elle majoritairement des commentaires sympathisants ? Pour répondre, il est utile de regarder les évaluations données par le président du Brésil aux événements à Gaza.

Luiz Inácio Lula da Silva, curieusement, dit à peu près la même chose que Rima Hassan : génocide, catastrophe humanitaire, nécessité de coexistence de deux États selon le plan initial de l’ONU. Et avec Lula da Silva, tout le «  Sud global  » partage ce point de vue. C’est lui, en premier lieu, qui fait la distinction entre les interventions militaires d’Israël contre l’Iran, la Syrie, le Yémen, etc. – car ce sont des États souverains avec lesquels beaucoup de pays du Sud global entretiennent des relations complexes – et les Palestiniens, perçus comme les victimes d’une politique néocoloniale à l’ancienne du XIXe siècle.

Ces sentiments sont bien perçus non seulement par Rima Hassan et Greta Thunberg, mais aussi par toute la classe politique française, menée par Emmanuel Macron. Il ne s’agit pas uniquement de gagner les sympathies d’une partie de l’électorat français qui, en partie grâce à ses origines mais pas seulement, réfléchit de plus en plus aux problématiques du Sud global. En mai 2024, 147 pays avaient reconnu la Palestine comme État indépendant. Cette réalité ne peut être ignorée dans la politique européenne, créant une situation quelque peu ambiguë où la main droite soutient Israël tandis que la main gauche fait des signes de bienvenue aux Palestiniens.

Rima Hassan lors d’un rassemblement en l’honneur du retour de l’équipage de la «  Flottille de la liberté  ». Place de la République, Paris, 12 juin 2025. Photo : Claire Jacquin via Instagram

La stratégie politique de «  La France Insoumise  »

Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a qualifié de manière prévisible l’interception du voilier Madeleine d’«  acte de piraterie  ». Il a également condamné les frappes israéliennes contre l’Iran, mais sur un ton plus modéré. LFI se prépare à d’éventuelles élections législatives anticipées et, bien sûr, à la campagne présidentielle de 2027, ce qui laisse penser à un calcul politique réfléchi dans les sympathies pro-palestiniennes du parti. Cette position semble reposer sur deux fondements importants.

D’une part, l’électorat de Mélenchon est principalement concentré dans les quartiers défavorisés des grandes villes, où les habitants sont plus réceptifs à la rhétorique radicale de gauche. Beaucoup d’entre eux, personnellement ou via une à deux générations, viennent d’anciennes colonies françaises d’Afrique du Nord ou de pays au sud du Sahara, où l’islam est la religion principale. Il n’est pas surprenant que dans le conflit Israël-Palestine et, plus largement, avec le monde arabe, ils prennent majoritairement parti pour ce dernier. Leur sympathie envers l’Iran est beaucoup moindre, car ils ne partagent pas l’interprétation chiite de l’islam. Ainsi, un regard électoral pragmatique incline LFI à soutenir pleinement et avant tout la Palestine, car elle permet de conjuguer lutte pour les droits des opprimés et démunis, dénonciation de l’impérialisme et du sionisme, ainsi que rhétorique décoloniale.

Manifestation contre le génocide à Gaza. Place de la République, Paris, 14 juin 2025. Photo : Claire Jacquin via Instagram

Mais il y a aussi d’autres considérations. On croit généralement qu’un homme politique dans un système démocratique doit chercher à rassembler autour de son programme le plus grand nombre possible de personnes et devenir un centre d’attraction pour la majorité des électeurs. Pourtant, une autre stratégie est possible, et nous assistons à son relatif succès. Un leader politique peut consciemment travailler à diviser l’électorat et même provoquer cette division, en ciblant intentionnellement des groupes de population qui, très probablement, ne voteront jamais pour lui. C’est exactement ce que fait Mélenchon, en excluant du programme de LFI non seulement les juifs français, mais aussi tous ceux qui soutiennent Israël et considèrent que le Hamas n’est pas un «  mouvement de résistance  ». Rima Hassan incarne cette division, et l’action de la Flottille de la liberté lui donne un «  visage humain  ».

On pourrait bien sûr se demander : Mélenchon espère-t-il vraiment gagner les élections avec une telle stratégie ? Dans des conditions normales, évidemment non, mais si le chaos, la crise et la méfiance mutuelle dans la société surviennent, alors peut-être oui.

Sur la photo principale – Rima Hassan brandissant le drapeau palestinien lors d’un rassemblement en l’honneur du retour de l’équipage de la «  Flottille de la liberté  ». Place de la République, Paris, 12 juin 2025. Photo : Claire Jacquin via Instagram

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